PORTRAIT D’AUDREY SAMSON, DIGITAL IMAGING TECHNICIAN

Entretien avec Audrey Samson, D.I.T., sur son parcours professionnel, son mandat de présidente de l’ADIT et son expérience dans le domaine de la formation.

Crédit photos : Clara Pauthier

Comment a débuté ton parcours ?

 

Audrey Samson : J’ai commencé en post-production, dans une société qui s’occupait spécialement du montage, de l’étalonnage, du mixage, qui suivait toute la post-production des films, en partant du suivi des rushes. Je suis arrivée en 2010 dans cette structure, juste après mon BTS audiovisuel option métiers de l’image.

Je suis arrivée à un moment charnière : la fin de la pellicule en projection, au profit du DCP, le support de projection numérique. J’ai assisté, petit à petit, à l’arrivée des tournages en caméras numériques et à la réduction des tournages en 35 mm. Au début, je faisais encore pas mal de scan de rushes de bobines, du kinescopage pour la conservation de film, de l’encodage DCP et de la vérification de copie master.

Au fur et à mesure, j’ai travaillé comme assistante étalonneuse, et puis avec l’avènement des nouvelles technologies numériques, on a commencé à faire de moins en moins de copies 35 mm, les coûts de production se sont réduits.

Beaucoup de petites structures de production se sont montées, et ont fait de la concurrence aux grands laboratoires. A ce moment, j’ai entendu parler du métier de DIT. Le directeur technique m’avait dit qu’avec mes compétences acquises au sein du labo, ce métier pouvait m’intéresser.

J’ai commencé par faire un stage en avril 2015 à Be4Post, tout juste créée, en juillet 2014. On m’a présenté quelques DIT (moins d’une dizaine) qui exerçaient à l’époque, et qui se partageaient le marché de la pub et des rares longs métrages qui engageaient  des DIT.

 

C’est donc par la post-production que je suis arrivée sur les tournages, car il y avait des post-prod qui étaient en demande d’avoir une continuité sur les rushes en étant très loin du plateau. Le premier tournage que j’ai fait était en 2016, il s’agissait du film « Gauguin », tourné en Polynésie française. Je suis partie 2 mois là-bas, puis j’ai enchaîné sur des séries France Télévisions.

C’était une suite logique de ce que je faisais en labo : suivre au plus près les envies du chef-opérateur, mais cette fois en lien direct avec lui, en suivant ce qu’il voulait sur le plateau.

 

Au début, tu faisais plus de DIT ou de data management ? 

 

Sur le film « Gauguin », je faisais à la fois les back-ups, l’archivage en LTO, l’étalonnage, le transcodage pour l’envoi au montage. Je travaillais de nuit car il y avait 12 heures de décalage, donc j’étais en liaison directe avec le labo, c’était pratique. Cela ressemblait plus à un petit laboratoire mobile.

 

Ensuite, j’ai fait du data management, un vrai travail de backups. J’ai commencé à travailler sur des longs-métrages où il y avait beaucoup de caméras à gérer, il fallait s’occuper notamment des métadonnées au fur et à mesure.

J’ai alterné entre des projets où je faisais l’un ou l’autre, ou les deux.

 

 

Est-ce que tu peux dire que tu as vu le métier évoluer depuis que tu t’es lancée ?

 

Oui, j’ai surtout vu le métier évoluer après le COVID et même au moment du COVID. Ça a coïncidé avec l’arrivée des plateformes en France. Elles nous ont inclus assez rapidement lors de leurs tournages en France.

Les productions américaines qui confient à des productions françaises leurs projets veulent fonctionner à l’américaine : tout ce qui est archivage ou qui est dédié au traitement de l’image est dédié à un poste particulier, qui est le poste de DIT et de data manager.

Ce fonctionnement a étonné beaucoup de productions françaises et je me suis retrouvée face à des productions qui n’avaient jamais eu mon poste dans une équipe. Ça a demandé beaucoup de pédagogie. Je pense qu’encore aujourd’hui, certaines productions n’ont jamais eu affaire à nos métiers. Même si je dirais que les trois quarts des productions actuelles savent ce qu’est un DIT.

 

Chez Netflix, nous avons eu du soutien de la part de Karine Feuillard (ex membre de l’ADIT et une des membres fondatrice de l’association) qui est aujourd’hui spécialiste workflow pour Netflix Europe. Là où des productions ne pensaient pas qu’on était justifiable financièrement, elle a montré à quel point notre métier était utile. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué. Amazon, Apple TV, Disney veulent également travailler de cette manière, donc aujourd’hui il y a beaucoup plus de demandes de DIT et de data managers. Le fait que les productions françaises découvrent nos compétences et l’atout que nous pouvons être a également amené pas mal d’entre elles à ajouter notre poste sur leurs projets dès que leur budget le permet.

 

 

Et d’un point de vue technologique, quelles ont été les évolutions ?

 

Ça a pas mal évolué en termes de vitesse de calcul, de vitesse de copie. On est passé aujourd’hui à des disques durs qui nous permettent de travailler plus vite que le  temps réel, c’est à dire que pour 25 minutes de rush aujourd’hui, on peut avec certaines configurations avoir à peine 12 minutes de copie. En contrepartie, le poids des rushes n’a fait qu’augmenter. J’ai commencé avec des journées qui faisaient peut-être 800 gigas, aujourd’hui c’est 1,5 terras. Il y a la puissance de calcul graphique des ordinateurs qui a aussi évoluée et il n’est pas rare d’avoir des vitesses de transcodes à plus de 100 images par seconde ce qui amène également la possibilité de faire travailler en parallèle sur la même machine des logiciels gourmands voire même d’avoir en simultané (dans des cas extrêmes) un livegrade, un silverstack, un qtake et un resolve pour le même projet.

 

 

Tu es présidente de l’ADIT, l’association française des DIT. Comment l’association fonctionne-t-elle ?

 

Je suis dans mon deuxième mandat de présidente depuis 2020 et on est aujourd’hui structurés et organisés avec un conseil d’administration et un bureau qui fonctionnent de façon collégiale. Je suis la représentante de l’association, mais je ne fais rien sans l’aval de mes camarades du CA et du bureau.

 

Je suis membre de l’association depuis 2018 et depuis, la cohésion s’est faite avec beaucoup de mes collègues qui étaient très qualifiés, chacun dans leur domaine et qui ont voulu vulgariser et démocratiser leur savoir, afin de mettre en commun les connaissances de chacun. Ça a créé une vraie entraide, une vraie coordination.

 

Crédit photos : Clara Pauthier

 

Il n’y a pas de concurrence entre nous. Chacun a un profil différent. Cette entraide est assez unique en Europe et même dans le monde parce qu’à ma connaissance, on est la seule association de DIT qui existe sans être un syndicat.

C’est un métier qui est tellement solitaire sur les plateaux… quand on a un souci et qu’on n’a pas de data manager ou qu’on est data manager et qu’on n’a pas de DIT, on est un peu tout seul. Pour pouvoir les résoudre, c’est très important d’avoir cette communauté qui se soutient, qui s’envoie des messages et qui organise des workshops.

 

Ma mission consiste principalement à faciliter les démarches pour faire des partenariats. C’est beaucoup de discussions, d’échanges avec les loueurs, les structures qui ont besoin d’un DIT, d’un data manager, d’un opérateur Qtake, d’un opérateur Phantom, d’un opérateur vidéo, car on regroupe toutes ces professions. J’essaie aussi de faciliter l’échange avec les autres associations, comme avec l’AOA et l’Union des chefs Opérateurs.

 

 

L’ADIT est partenaire de la formation au métier de DIT que lapins bleus propose. Comment interviens-tu à ton niveau ?

 

Ma mission est surtout de savoir qui est disponible au sein de l’ADIT pour dispenser une session. Il m’est arrivé également d’intervenir auprès des stagiaires sur plusieurs sessions.

 

Est-ce que cette corde à ton arc a enrichi ton rapport à ton métier de DIT ?

 

Oui complètement, parce que souvent parmi les stagiaires, on a des gens qui ne sont pas là pour devenir DIT mais pour se renseigner sur le métier, qui veulent connaître les rouages, et cela m’a permis de rencontrer plein de gens que j’ai retrouvés par la suite sur les tournages.

Et puis ça m’a aussi permis de repenser un peu le métier. Parce que ce qui est bien à l’ADIT, c’est qu’entre ceux qui interviennent sur les formations, il y a un échange, on partage nos approches, nos cours, on se dit « moi j’ai parlé de ça auprès des stagiaires, j’ai abordé tel aspect du métier ». Du coup, on se rend compte des méthodologies de chacun, de sa façon de travailler et c’est très intéressant de voir comment chacun a sa propre vision du métier.

 

 

Cette formation qui a été créée il y a plus de 10 ans reste assez unique. Pour quelles raisons ?

 

Elle est très complète et elle est dispensée par des gens qui sont sur le terrain, c’est un vrai plus. Les stagiaires savent qu’ils sont face à quelqu’un d’expérimenté, qui sait de quoi il parle, qui peut partager avec eux comment il s’organise selon le type de projet. C’est une formation variée, on n’est pas tous les jours assis sur une chaise à écouter quelqu’un, il y a aussi beaucoup de pratique grâce aux moyens techniques de Be4Post. On a la possibilité d’avoir des machines qui sont sur les plateaux et qu’on peut utiliser. Tout cela permet d’aborder différents workflows, différentes problématiques qui sont le reflet de la réalité des plateaux.