Entretien avec Gilles Pfeiffer, formateur aux métiers de la création numérique, sur son parcours professionnel et son expérience dans le domaine de la formation.
Comment a débuté ton parcours ?
Gilles Pfeiffer : J’ai été formé à l’ARIES-école supérieure de l’infographie. J’y ai suivi une formation généraliste, qui m’a enseigné les métiers et les techniques de la création numérique, 2D, 3D, pour la vidéo, le web… Je me suis spécialisé dans le graphisme pour le jeu vidéo, et donc la 3D. A la sortie de l’école, j’ai d’abord travaillé en tant qu’infographiste 3D paysage et décors, puis en animation de personnages, toujours dans le jeu vidéo.
S’agissait-il déjà de motion design ?
Gilles : La 3D que je faisais était orientée compositing pour les trailers de jeu vidéo ou le cinéma d’animation. Mais le cinéma d’animation 3D est un des fondements du motion design. J’étais utilisateur des solutions techniques qu’utilise un motion designer bien avant que le terme apparaisse dans les années 2010. Ça fait plus de 20 ans que j’utilise After Effects, ainsi que les logiciels de 3D et de graphisme. A ce moment-là, on ne disait pas Motion Designer mais plutôt animateur 2D, 3D, truquiste.
J’utilisais d’abord After Effects comme outil de finition pour mes rendus 3D. C’était le logiciel le plus polyvalent qu’il y avait sur le marché à l’époque.
Comment en es-tu arrivé à faire de la formation ?
Gilles : Après avoir travaillé dans le monde du jeu vidéo, j’ai ensuite enchainé par 3-4 ans comme formateur chez ARIES, l’école que j’avais suivie. Je formais des classes d’une vingtaine d’élèves. Un mélange de cours théoriques et de travaux dirigés.
Quand les lapins bleus sont venus me chercher pour former des équipes de télévision à la 3D en temps réel, c’était précisément pour mes compétences en 3D.
C’est à partir de cette collaboration avec les lapins bleus que j’ai commencé à plus utiliser After Effects comme un outil de création de contenus vidéos de A à Z typés motion design ; génériques, titres et animation pour les chaines de télévision. J’ai été coordinateur habillage, notamment chez France 24.
Parallèlement à cela, toujours aux lapins bleus, j’ai aussi formé des techniciens de télévision et de cinéma aux trucages avec After Effects.
Et depuis presque 12 ans maintenant, je me suis spécialisé dans la formation en ligne. Je publie des tutos, formations en vidéo sur une plateforme française. J’ai tout simplement mis en vidéo les contenus de formation auxquels je forme depuis presque 20 ans ; 3D, 2D, vidéo et retouche photo.
Je continue de former en centre ou en école et je fais quelques projets créatifs de temps en temps, lorsque le sujet me plait. Mais aujourd’hui, mon activité est globalement tournée vers la formation.
Quelles expériences de formations spécifiques as-tu eu aux lapins bleus au fil des années ?
Gilles : J’ai commencé chez les lapins en 2007. J’ai formé un bon nombre de personnes au sein de la RTBF sur les systèmes Orad. Surtout 3Designer qui permet de créer des graphismes en 3D temps réel. C’est la même machine qui est utilisé par les infographistes mais aussi les scripts, opérateurs de diffusion ou encore journalistes. Donc ça permet de simplifier la production et l’utilisation des graphismes dans une chaine de télévision.
J’ai ensuite beaucoup formé au trucage avec After Effects. Surtout des monteurs/truquistes mais aussi des réalisateurs de film, directeurs techniques.
Et puis j’ai souvent été dépêché sur des chaines de télévision (France télévision, France 24, TV5) pour former à After Effects et encadrer la production des vidéos et graphismes amenés à être diffusé à l’antenne.
Aujourd’hui, je forme le plus souvent des journalistes, responsables marketing, graphistes, aux outils modernes de la création graphique, images fixes ou animée. Je vois souvent des personnes de Canal+, Konbini, etc.
Comme le monde de la télé a beaucoup changé, il faut former les gens à de nouveaux métiers ou de nouveaux outils. On diffuse globalement pour et sur internet donc il y a tout un ensemble d’images et de formats vidéo à créer et à diffuser. C’est la plupart du temps des formations sur After Effects ou Photoshop/Illustrator.
Comment vois-tu les usages évoluer en termes de motion design ?
Gilles : J’observe qu’aujourd’hui les gens viennent moins en formation pour apprendre du motion design en tant que tel, mais davantage par la nécessité de produire de l’image en mouvement, afin d’avoir un support markéting plus impactant que des photos.
Avant de le voir en formation, j’ai identifié cette tendance en 2019, lorsque j’ai été approché par une marque de casques pour devenir leur Community Manager France. A côté de mon activité de formation et de graphisme, je suis un fan de sports extrêmes. Et depuis toujours, un utilisateur des réseaux sociaux.
Je faisais déjà de la publication de photos et vidéos sur les réseaux sociaux. En travaillant pour eux, je me suis vraiment rendu compte du changement d’intérêt sur les contenus photos et vidéos.
La plupart des utilisateurs sur les réseaux sociaux consomment de la vidéo pour se divertir, apprendre, s’informer. Les marques ont bien compris qu’une belle vidéo a plus d’impact et d’engagement qu’une photo. Et le Motion Design est une manière de créer des visuels animés impactants.
Ça se traduit aujourd’hui dans les demandes de formation. La majorité vient des secteurs du marketing digital.
Comment ré-injectes-tu dans les formations que tu dispenses, ce que tu observes des nouveaux usages en motion design ?
Au début de mon parcours, quand j’ai commencé à avoir cette expérience du graphisme et de la vidéo en habillage télévision, j’ai appris sur le terrain comment exploiter After Effects pour la création de génériques, pour la création d’habillage télévisuels, etc.
C’est ce qui s’est passé de nouveau quand j’ai commencé à comprendre qu’After Effects était un outil potentiel important dans la création de contenu de marketing digital. Quand j’ai eu l’opportunité de travailler comme Community Manager, j’ai vu les contenus évoluer dans cette direction.
Les techniques qui permettent dans After Effects de faire ces animations-là sont globalement les mêmes. After Effects est un outil que l’on utilise avec des effets, avec des propriétés que l’on adapte pour un contenu différent. En fait, en faisant du compositing 3D, de l’habillage TV et du marketing digital, on ne fait qu’adapter les mêmes outils à un rendu particulier, pour un support particulier.
L’adaptation des programmes de formation se fait assez naturellement en fonction de mes expériences et bien sûr du public.
Il y a donc une part importante de veille technologique dans ton activité, pour mieux anticiper et cerner les attentes des publics qui viennent se former ?
En effet. Je suis assez curieux des évolutions des outils et de leur utilisation au fur et à mesure du temps, donc je détecte assez naturellement les changements. La veille des contenus numériques et de leur utilisation, elle se fait pour moi assez naturellement car j’ai un tempérament assez geek.
La nouvelle tendance aujourd’hui, c’est l’implémentation de l’intelligence artificielle dans les métiers du graphisme. Maintenant j’utilise moi-même quotidiennement l’intégration des outils d’IA dans la création de graphismes, et ça me fait gagner du temps. Je sais que je vais devoir l’intégrer dans mes formations à un moment donné. Dans quelle mesure on peut utiliser l’intelligence artificielle dans nos contenus ? La question ne se pose plus, les outils sont là, il faut maintenant former les utilisateurs.
Cette curiosité me permet d’aimer ce métier-là. Je suis curieux de toutes les branches qui composent les métiers du graphisme, de la photo et de la vidéo, la 3D. Et j’apprécie toujours autant former les gens à ces métiers !