Gilles Pfeiffer, infographiste spécialiste de la 3D et formateur sur After Effects pour notre organisme, revient avec nous sur les dernières évolutions du logiciel, à la fois en termes de performances, de nouveaux outils et de nouvelles pratiques.
Gilles, tu es formateur et expert sur After Effects depuis plus de 20 ans. Comment as-tu vu évoluer le logiciel ces derniers mois ?
Gilles Pfeiffer : En effet, cela fait plus de 20 ans que j’utilise After Effects. En premier lieu, je dirais que le logiciel est fondamentalement resté le même, ce qui est positif car cela a toujours permis aux premiers utilisateurs dont je fais partie d’y retrouver leurs marques. Ensuite, After Effects a la réputation d’être une solution puissante mais dont la performance des outils dépend de la mémoire vive de la station de travail. Aujourd’hui, Adobe propose une réelle amélioration des performances globales du logiciel notamment grâce à une meilleure gestion de la mémoire par le logiciel.
Sur quels points précis Adobe a-t-il travaillé sur cette amélioration des performances ?
D’une part, After Effects prend désormais en compte les nouveaux processeurs M1 d’Apple. Les dernières versions du logiciel sont donc conçues pour tirer parti de l’importante mémoire de ces stations de travail. Cela permet à Adobe d’améliorer la rapidité du logiciel, notamment en accélérant les prévisualisations en temps réel, et en optimisant la gestion de chacun des métrages à l’intérieur des compositions.
Adobe a également annoncé en termes de performances, le rendu multi-images. Qu’est-ce que cette nouveauté signifie concrètement ?
En effet, le rendu multi-threaded, qu’Adobe nomme en français le rendu multi-images, signifie la prise en compte d’une tache sur tous les cœurs du processeur de la machine pour répartir le travail de calcul du rendu. Cela signifie que le logiciel fait désormais appel aux multi cœurs du processeur de la station de travail pour effectuer les rendus.
Avant cela, quand on lançait un rendu ou une prévisualisation dans After, le logiciel utilisait un seul cœur du processeur. Je conseillais donc aux stagiaires de faire les rendus dans Media Encoder, car Media Encoder était déjà multi-threaded : il utilise les ressources de la carte graphique, ainsi que la mémoire vive autant qu’il peut. Le rendu des projets était donc plus rapide dans Media Encoder.
Si on regarde de près les ressources de son système aujourd’hui, même si le processeur n’est pas réellement utilisé à 100 % par After Effects, cela a tout de même été très nettement optimisé.
Adobe communique sur des nouveautés dans la partie 3D d’After Effects, notamment en ce qui concerne Cinema4D et le moteur 3D Classique d’After Effects. Qu’est-ce qui a changé ?
Adobe pousse beaucoup pour mettre en avant le moteur de Cinema4D. Mais étant un logiciel à part entière, il représente pour beaucoup de gens un autre métier auquel il faut s’initier. Adobe œuvre pour optimiser Cineware, l’effet qui relie After à C4D. Il y a eu un réel gain de rapidité depuis la première version.
Par quelles nouveautés dans l’interface 3D cela se traduit-il ?
Adobe a modernisé le fonctionnement des outils 3D et amélioré la représentation de l’espace 3D. On peut désormais afficher un plan au sol : une grille 3D qui permet de mieux se représenter la perspective à l’intérieur d’une scène 3D, l’endroit où sont posés les objets dans la scène 3D, et aussi de mieux se représenter la focale de la caméra.
Jusqu’à présent, c’était simplement posé dans l’espace, et ça ne permettait pas forcément à quelqu’un qui n’avait jamais touché à la 3D d’être conscient de comment positionner les objets, les calques en 3D.
Crédits image : Gilles Pfeiffer
Y-a-t-il d’autres fonctionnalités sur After Effects significatives pour les utilisateurs ?
Il y a en effet des fonctions qui peuvent avoir un réel intérêt dans une production vidéo et devenir presque « révolutionnaires ». On peut notamment citer le calque par remplissage de contenu. C’est une fonction héritée de Photoshop, qui permet de supprimer une partie d’une image. Sur Photoshop, si l’on avait une image avec une voiture sur l’autoroute, et que l’on voulait conserver uniquement l’autoroute, on sélectionnait la voiture, puis la fonction « remplissage par contenu », et cela permettait de faire disparaitre la voiture en répliquant les pixels autour de la sélection.
On peut le faire sur After Effects avec un système de masque et de références d’images dans l’outil. C’est une vraie amélioration car avant cela, on devait utiliser un tampon que l’on devait presque animer image par image. Cette fonction est bien plus efficiente.
Le plug-in de tracking MOCHA a également été amélioré ?
Absolument. Ce plug-in est déjà inclus sur After depuis un certain temps. Mais Adobe a encore amélioré son l’intégration. Ce n’est plus dans une fenêtre externe ouvrant un autre logiciel, nécessitant de faire des imports, des exports par copie de fichiers texte. Désormais, il y a un vrai effet MOCHA, avec une fenêtre optimisée dans laquelle il est beaucoup plus facile de récupérer les informations de tracking et de les insérer dans ses compositions.
Crédits image : Gilles Pfeiffer
Peux-tu revenir sur les objets graphiques essentiels : de quoi s’agit-il exactement ?
Les objets graphiques essentiels est une fonction notamment très intéressante pour les monteurs Premiere Pro. On peut construire une composition dans After Effects, avec par exemple un cartouche pour le nom d’un candidat sur un jeu par exemple, et ensuite l’intégrer dans Premiere. Ces objets graphiques essentiels permettent de rendre disponibles sur Premiere certaines options de modification de ce cartouche, notamment la couleur du fond du cartouche, le contour, le texte à l’intérieur, sans avoir besoin de passer par des scripts un peu complexes qui feraient ouvrir After Effects. Ces objets graphiques essentiels utilisent le moteur d’AE pour l’affichage de ce graphisme directement dans Premiere, et permettent donc de faire des modifications dans Premiere sans repasser obligatoirement par After.
Les objets graphiques essentiels dans After Effects. Crédits image : Guillaume Cosson
Les objets graphiques essentiels dans Premiere Pro. Crédits image : Guillaume Cosson
Comment vois-tu évoluer le profil des personnes qui viennent se former à After Effects ?
Sur les formations que j’ai dispensées ces deux dernières années, je remarque l’arrivée de nombreux graphistes ou directeurs artistiques pour le marketing digital. Ils travaillent notamment pour des sociétés qui réalisent des publicités sur les réseaux sociaux. Ces personnes ont besoin d’After parce que c’est le logiciel le plus facile à utiliser pour commencer à faire des animations de manière professionnelle, notamment pour faire des stories avec la photo d’un produit, des effets, des particules… Cela représente une partie importante du public. Les autres personnes sont majoritairement des monteurs qui ont besoin de se former davantage au trucage ou au compositing sur After Effects, ou des personnes qui travaillent pour de la communication interne dans des petites ou grandes sociétés et qui ont besoin de faire de la vidéo avec des animations.
Que représente l’intérêt de suivre aujourd’hui une formation sur After Effects ?
Aujourd’hui, grâce aux récentes améliorations du logiciel, il est encore plus facile, en quelques jours d’initiation, de réellement tirer parti des nombreux outils.
After Effects, malgré son âge, reste le logiciel le plus polyvalent et complet pour créer des animations en vidéo, des trucages ou même faire de l’étalonnage.
L’apparition de nouveaux métiers autour de la vidéo avec l’apparition des réseaux sociaux et de YouTube font que c’est un des outils majeurs dans l’animation de textes, éléments graphiques et de trucages en tous genres.
Si on peut apprendre sur le tas ou même à travers des tutos sur YouTube, avoir une progression pédagogique et ne pas négliger les fondamentaux de la vidéo permet d’avoir des bases solides.
Par ailleurs, si le secteur du marketing digital se professionnalise et est capable de mettre en place un workflow qui colle à la réalité des métiers de la vidéo, cela permettra à de nouveaux utilisateurs de pouvoir prétendre à d’autres missions professionnelles au-delà de la sphère internet.