FOCUS SUR LES CAMÉRAS RED : GÉNÉRATIONS, MODÈLES ET ÉVOLUTION DE LA MARQUE

La prochaine formation Technique des caméras à grands capteurs aura lieu le 3 mai 2021 sur les caméras RED et ARRI. Elle sera dispensée par Kévin Pusceddu, technicien chez Panavision et RVZ pendant 5 ans, aujourd’hui assistant caméra sur des longs-métrages cinéma et formateur. Retour avec lui sur l’évolution des caméras RED et les aspects à prendre en compte en tant qu’opérateur au moment de choisir sa configuration.

Que propose la formation « Technique des caméras à grands capteurs » à un opérateur souhaitant utiliser pour la première fois une caméra de la marque RED  ?

Kévin Pusceddu : L’objectif de la formation «  Technique des caméras à grands capteurs  » est d’aborder la prise en main des caméras RED et ARRI en partant de la théorie de l’image vidéo, pour ensuite comprendre les différentes philosophies de ces marques et passer rapidement vers des exercices pratiques sur une caméra RED et une caméra ARRI.
En ce qui concerne RED, la marque a commercialisé beaucoup de modèles depuis sa création en 2005. Cela a parfois pu provoquer la confusion pour un opérateur cherchant la différence entre chaque produit. L’un des objectifs de la formation est de comprendre l’historique de la marque. Ensuite, ce qui reste le plus important est d’apprendre à distinguer les générations de caméras, puis le capteur et enfin le modèle.

Tu parles d’historique  : comment, grâce à sa caméra RED One commercialisée en 2007, la marque s’est-elle installée parmi les leaders mondiaux dans l’industrie de prise de vue numérique  ?

En effet, la RED One est une caméra qui a participé activement à la révolution numérique de l’industrie de prise de vue cinématographique. La RED One était l’une des premières caméras à proposer de travailler en RAW, offrant une grande latitude pour retoucher l’image en post-production. Il s’agit de l’une des principales raisons du basculement de la production cinématographique de la pellicule vers le numérique.
Parmi les autres facteurs déterminants, on peut citer la caméra Génésis créée en 2004 par Sony/Panavision proposant pour la première fois une caméra numérique avec un capteur S35 et également la caméra Alexa créée en 2009 par ARRI proposant un capteur avec un ISO Native à 800 ISO, donc plus sensible que la pellicule.

Depuis la RED One, quelle a été la politique de RED avec ses différentes générations de caméras, et comment les opérateurs peuvent-ils aujourd’hui les différencier  ?

Depuis la création de la marque en 2005, par Jim Jannard, déjà fondateur de la marque de lunette Oakley, et jusqu’en 2019, on pouvait retrouver 3 générations de caméras RED : les générations RED One puis la génération Digital Still et Motion Caméra (DSCM1 de 2010 à 2015 et DSCM2 de 2015 à aujourd’hui). Avec ces 3 générations, près de 18 modèles ont été commercialisés et toutes les différencier était devenu un véritable casse-tête pour les opérateurs et les techniciens.
C’est la raison pour laquelle RED propose depuis 2019 un catalogue simplifié avec les trois gammes suivantes, DSCM 2, Ranger, et Komodo, dont je présente la logique de standardisation aux stagiaires lors de la formation.

DSCM2  :
−    La caméra Red Weapon 8K VV Capteur Monstro
−    La caméra Red Weapon 8K S35 Capteur Helium
−    La caméra Red Weapon 5K S35 Capteur Gemini
−    La caméra Red Weapon 6K S35 Capteur Dragon

Ranger  :
−    La caméra Red Ranger 8K VV Capteur Monstro
−    La caméra Red Ranger 8K S35 Capteur Helium
−    La caméra Red Ranger 5K S35 Capteur Gemini

Komodo :
−    La caméra Red Komodo 6K

Pourquoi RED a-t-il choisi cette standardisation  ?

En réalité, RED a seulement 16 ans, ce qui est encore très jeune pour une marque de caméras. Or, dans l’industrie cinématographique, la simplicité et la logique doivent toujours être de mise. Trouver la meilleure cohérence afin de simplifier tout le processus de création, de la préparation à la post-production. Trop de choix peut tuer le choix.

RED, qui n’avait pas le même héritage technique dans le cinéma que la marque ARRI, a du affiner sa démarche et sa philosophie pour s’accorder à l’exigence de simplicité propre à l’industrie cinématographique. Il s’agit d’une marque qui a beaucoup muri dans sa manière de penser son catalogue.

Nous avions vu dans un précédent article qu’en 2017, RED a sorti l’IPP2, un nouveau système de traitement d’image, dans le but de permettre une meilleure standardisation de la gestion des couleurs et des rendus des courbes.  On retrouve encore une fois ce souci de standardisation venant de la marque. Pour ceux qui ont connu les caméras RED dans leurs débuts, qui proposaient de nombreuses courbes gamma, de nombreux espaces colorimétriques et de nombreux modèles de caméra, on peut remarquer que du chemin a été fait.

Capteur, résolution, sensibilité  : quelles sont les particularités majeures à connaître pour les opérateurs, pour différencier chaque modèle proposé aujourd’hui par le catalogue RED et choisir le plus adapté à ses attentes ?

Nous entrons bien sûr au cours de la formation dans le détail de la technique. En effet, pour un opérateur qui souhaiterait par exemple travailler avec une caméra dotée d’un capteur large format, le Capteur Monstro répond à cette demande. Le large format (capteur plus grand que le S35) permet pour une même échelle de plan qu’une caméra S35 de travailler avec de plus longues focales et donc d’avoir une profondeur de champs plus faible. Ce capteur s’aligne à la concurrence des Alexa LF de chez ARRI et des VENICE de chez Sony.
Si l’opérateur recherche davantage une caméra à forte résolution dans le but de prévoir des VFX en post-production, mais en utilisant des optiques S35, le capteur Helium sera alors le meilleur choix.
Pour des questions de sensibilité comme par exemple des tournages nocturnes, je conseillerais plus le capteur Gémini. Celle-ci a la particularité de proposer un capteur à double ISO Native 800/3200. On peut d’ailleurs remarquer qu’il s’agit de la caméra RED avec le plus grand photosite (6µm), se rapprochant ainsi du photosite du capteur ALEV III présent dans les caméras Alexa (8µm). Il est donc le capteur le plus sensible de la gamme Red.
Il existe également le capteur Dragon 6K disponible uniquement en Weapon, moins cher mais moins avancé techniquement que les précédents capteurs évoqués.


Les  capteurs Monstro, Helium et Gemini sont proposés autant pour les corps Weapons (DSCM2), caméras modulables par tout type d’accessoires selon nos besoins d’utilisation, que pour les corps Rangers, caméras ergonomiques, déjà configurées avec un système d’épaulière et d’accessoirisation déjà pensé.

Enfin depuis 2020, RED a rajouté à sa gamme la Komodo 6K. Elle est peu chère (environ 6000 euros juste le corps), très légère (950g contre 1,5 Kg pour les Weapons et 3,3 Kg pour les Rangers). Elle est très peu encombrante (10x10x10cm). Elle est idéale pour des configurations très épurées avec juste une optique, un moniteur pour cadrer et un moteur HF pour faire le point. Elle se tient facilement à bout de bras. Je vous invite à regarder la vidéo de promotion effectuée par l’acteur Jason Momoa pour constater sa faciliter d’utilisation.

Existe-il des applications permettant de mieux se repérer dans l’utilisation de ces caméras  ?

RED a peut-être encore un peu de retard dans les applications permettant de se familiariser avec une caméra de la marque. Il n’y a pas vraiment d’application sur le site de Red, équivalente aux Arri Tools de Arri.
Cependant il existe des sites et applications qui vous offriront de nombreuses réponses à vos questions avant un tournage.
Je peux vous citer le site PHFX (http://www.phfx.com/tools/) qui dispose de nombreuses utilités comme connaître en fonction de vos réglages le temps de stockage, le poids de fichiers, la surface de capteur utilisée, le crop factor…

  

Il existe également le site Lens Bokeh (http://mymetta.io/cinemaLensBokeh/) qui vous permettra de comparer les couvertures de différentes optiques sphériques sur une Weapon 8K VV ainsi que leur bokeh et leur LensFlare.

Pour tous ceux qui voudraient réviser l’utilisation du menu RED, j’utilise l’application Donna Pro qui est un simulateur du menu Red.

Enfin je rappelle l’existence du site Lutify dans lequel vous pouvez acheter de nombreuses Luts avec des rendus d’image différents. Par exemple, Lutify propose de reproduire des rendus d’image de films connus en gage de référence comme par exemple  «  Children of men  » d’Alfonso Cuaron ou «  The favourite  » de Yórgos Lánthimos, permettant ainsi à l’opérateur de partir d’un look connu et bien défini pour faciliter son travail.

Quel conseil donnes-tu à un opérateur qui n’a jamais tourné avec une caméra de cette marque  ?

Lorsque l’on a jamais manipulé de caméra RED, faire le choix de venir se former est déjà une démarche intéressante, pour deux raisons principales : une fois bien assimilé la logique des 3 gammes proposées par RED, qui représente une étape indispensable, la pratique est ensuite la meilleure méthode pour gagner en assurance dans l’utilisation d’une caméra. C’est dans cet esprit que nous avons créé la formation, et c’est pourquoi nous essayons de penser cette approche pratique par des exercices allant de la navigation du menu, vers des tests optiques et filtres, d’accessoirisation des caméras, de cadrage sur pied ou l’épaule pour finir à la gestion du data et du traitement des Luts.
Le but est de répondre à de nombreuses questions techniques et pratiques afin que le stagiaire se sente serein s’il devait tourner avec ces caméras au lendemain de la formation.

Au-delà des notions théoriques, la pratique, mais également la dynamique de groupe, sont donc les atouts d’une formation collective  ?

Absolument. La pratique et les échanges sont essentiels. De plus, la formation se fait en partenariat avec RVZ, loueur de matériel de tournage de renom. Cela permet d’être au centre des échanges qui peuvent exister entre équipes de tournage et techniciens de l’entreprise mais également d’avoir un matériel représentatif de ce qui est utilisé à l’heure actuelle sur les tournages.

Afin de cultiver le lien d’échange et de partage technique qui se met en place entre les stagiaires et le formateur, un groupe WhatsApp et Facebook sont mis à disposition après la formation. Cette communauté permet pour chaque stagiaire de discuter avec d’autres stagiaires, plus anciens ou plus récents, et de chercher ensemble leurs propres réponses aux questions techniques. Les échanges, les discussions seront toujours les maîtres d’armes pour rester en phase avec les innovations techniques, présentes et à venir.

                                                   Session de formation lapins bleus formation de novembre 2020