LE MÉTIER DE D.I.T. ON SET EN 2021

Rencontre avec Audrey Samson, l’actuelle présidente de l’ADIT (association française des DIT), autour de l’évolution du métier de Digital Imaging Technician. L’occasion d’évoquer avec elle les défis techniques, l’actualité de l’association, et d’aborder les nouveaux objectifs de la formation au métier de DIT que nous proposons en partenariat avec Be4Post.

 

  • Peux-tu rappeler quel est le rôle d’un DIT ?

Audrey Samson : Le métier de DIT est apparu il y a une vingtaine d’années suite à l’apparition sur les plateaux des premières caméras numériques. L’arrivée de la RED One et de l’Alexa de ARRI nécessitaient des compétences à la fois en numérique, en informatique et en post-production.

Le métier de DIT est arrivé sur les plateaux d’une part pour sécuriser les rushes, c’est-à-dire faire du data management, et également appliquer sur les rushes l’intention esthétique du chef opérateur, c’est-à-dire faire du color management. Il s’agissait de faire le lien entre le tournage et la post-production, et faire que ces deux mondes communiquent le mieux possible.

  • La présence des DIT sur les tournages est-elle de plus en plus fréquente ?

Pendant cette période de crise sanitaire, nous avons assisté à l’arrivée en force des plateformes, parfois même pour reprendre des projets initialement prévus pour le cinéma. La plupart de ces plateformes sont américaines, et imposent aux productions d’avoir quelqu’un qui s’occupe des rushes. Cela a entraîné une demande beaucoup plus importante de DITs. Ne serait-ce qu’au sein de l’association, nous sommes passés de 27 membres l’année dernière, à 35 membres aujourd’hui. Beaucoup de jeunes DITs nous ont rejoints, avec déjà une expérience et un réseau. Nous constatons d’ailleurs que la plupart des nouveaux membres sont passés par la formation aux lapins bleus.

  • A quelles compétences fait-on désormais principalement appel ?

Cela dépend des projets. Sur les projets produits par les plates-formes, qui prédominent actuellement, les demandes sont à la fois celles d’un DIT et d’un data manager. Les DIT sont parfois imposés sur ces productions parce qu’il y a une multiplicité de caméras, et une demande de voir les rushes très rapidement, souvent à l’autre bout de la France. Quand il y a beaucoup de caméras, les missions d’un data manager et d’un DIT ne sont pas gérables par une seule personne. On constate que certaines plates-formes insistent pour qu’il y ait les deux postes, deux personnes sur le plateau, un DIT et un data manager. Nous commençons donc à avoir de meilleures conditions de travail grâce à cette configuration. En tout cas, c’est vrai pour le cas de Netflix qui a une charte assez efficace qui nous donne un pouvoir au sein de la production, que l’on n’avait pas forcément sur d’autres projets.

Crédits image : Instagram ADITFRANCE

  • Y-a-t-il dans ces nouveaux cahiers des charges, de nouveaux outils de travail auxquels les DIT doivent se former ?

Il y a principalement la demande de la part des plates-formes de travailler en color managed. Par exemple, en ACES (Academy Color Encoding System), un système de gestion de couleurs développé aux Etats-Unis par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences. Il propose en open source un espace de travail colorimétrique indépendant du matériel et qui peut donc englober tous les capteurs de caméras, et permettre ensuite tous les espaces colorimétriques pour les étalonnages, quelle que soit la destination du projet : cinéma, télévision, streaming, archivage… Cela permet aussi de pérenniser un projet. Le fait de l’avoir configuré dans un espace colorimétrique aussi large, permettra de l’ouvrir dans quelques années dans n’importe quel système, et de pouvoir le retravailler. L’ACES mais aussi l’IPP 2, l’ALF sont des outils qui vont réellement nous aider, autant pour les DITs que pour la post production. C’est un chapitre qui va faire son entrée dans le programme de la formation aux lapins bleus.

  • Quelle est l’organisation actuelle du bureau de l’ADIT ?

Il y a eu de nouvelles élections en décembre au sein de l’association. Le conseil d’administration n’est désormais plus seulement consulté pour les décisions à prendre, mais beaucoup plus impliqué et parfois même force de proposition. C’est donc une présidence plus collective. Toutes les décisions se prennent désormais en concertation entre les membres du bureau, dont Thomas Briant et moi-même sommes des représentants parmi les plus actifs, et le conseil d’administration, c’est-à-dire à 10 et non plus à 5.

  • Quel type de décisions êtes-vous amenés à voter ?

Nous avons récemment discuté l’admission au sein de notre association d’un nouveau cas de figure : les DITs francophones. Nous avons eu deux demandes, l’une d’un DIT italien vivant en France, l’autre d’un DIT français vivant en Finlande, qui souhaitaient rejoindre l’ADIT. Pour prendre cette décision, tous les membres de l’association ont voté.

  • Quelles sont les autres initiatives importantes mises en place ces derniers mois ?

Notre dossier important de ce début d’année 2021 a été la mise en place de contrats de partenariats. Nous nous sommes entourés de loueurs et de fabricants de logiciels pour sponsoriser financièrement l’association. Il s’agit pour l’instant de Be4Post, TSF caméra, Color Box. Nous avons également fait la demande à Pomfort, qui fabrique des logiciels de copie de rushes, avec lesquels 95% de nos membres travaillent.

Nous privilégions les workshops avec des partenaires. Un prochain workshop avec TSF caméra est planifié en mai en présentiel, si le contexte le permet bien sûr, dans leur salle de projection.

Nous avons également organisé plusieurs rencontres avec Netflix pendant le premier confinement. Leur équipe interrogeait les DITs du monde entier sur leur façon de travailler. Leur objectif est de créer une charte résumant les compétences attendues d’un DIT on set, near set ou data manager.

 

Crédits image : Instagram ADITFRANCE

 

  • Que donnes-tu comme conseil à quelqu’un qui souhaite devenir DIT aujourd’hui ?

A chaque fois que je croise un jeune qui veut devenir DIT, je l’envoie vers la formation aux lapins bleus, car elle aborde à la fois les bases techniques et les réflexions autour du métier, et enseignées par quelqu’un du métier.

C’est une formation de deux semaines qui est ambitieuse, avec beaucoup d’informations. Quand les stagiaires ont déjà une connaissance des métiers du plateau, c’est un plus. Les stagiaires sont amenés à toucher à tous les logiciels avec lesquels travaillent un DIT et un data manager, à mettre les mains dans le cambouis. Cela permet aux stagiaires de voir si ce métier leur plait vraiment ou n’est pas fait pour eux.

Je leur conseille également de faire un stage chez un loueur lorsqu’ils sortent d’école. Cela permet de connaître toutes les caméras qui existent, d’acquérir une autonomie, très importante dans ce métier. Le passage dans une société de post-production est aussi instructive. Cela permet de voir réellement ce qui est fait de nos rushes, et ce qu’on ne peut pas rattraper en post-prod.

  • Une partie de la formation se déroule chez le loueur Be4Post. Qu’est-ce que cela apporte concrètement aux apprentis DIT ?

Be4Post est le loueur « data » sur la place de Paris à avoir historiquement un réel savoir-faire de montage de station. Certains loueurs caméras ont pu penser parfois que nous n’étions que des informaticiens sur le plateau. Mais DIT est bien un métier, et monter une station data ne se résume pas à monter un ordinateur sur une roulante. Il s’agit aussi de savoir comment le fixer, quel est le meilleur matériel adapté pour encastrer telle carte vidéo, tel ordinateur… Il est nécessaire, pour le DIT comme pour le loueur « data », de connaître les logiciels. Si je demande une station à un loueur peu expérimenté dans ce domaine, il me la préparera, mais je ne sais pas si tous les drivers seront installés, les bons logiciels, et je devrais probablement faire beaucoup de choses moi-même, cela me fera faire davantage d’essais et perdre du temps. L’équipe de Be4Post pense aussi à nos contraintes de déplacement de matériel. Avec eux, notre espace de travail est réellement optimisé.

Crédits image : Instagram ADITFRANCE

  • Peux-tu rappeler la vocation première de l’ADIT ?

L’association permet de promouvoir nos métiers le plus largement possible. Elle permet également aux membres de se rencontrer facilement et donc de développer leur réseau mais elle offre aussi une entraide technique, une veille technologique ainsi qu’une information quant aux minima sociaux en fonction des différentes conventions collectives.

  • Quelles sont les conditions pour devenir membre de l’ADIT ?

Il faut avoir deux ans d’expérience de tournage confirmés, et avoir deux parrains à l’ADIT. Quand on souhaite devenir membre, on peut postuler soit pour être opérateur Qtake, opérateur Phantom, ou data manager.

Bien souvent, on commence par du data management, quand on n’a pas encore d’expérience de DIT. On peut ensuite évoluer vers le DIT, soit au contact d’un DIT sur un tournage, soit en commençant par des tout petits projets de types clips, ou pub à petit budget sans marge de risque importante.