PORTRAIT DE DAMIEN LABBÉ, CHEF MONTEUR

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Entretien avec Damien Labbé, chef monteur et formateur sur Avid Media Composer pour notre organisme, autour de son parcours professionnel, de son métier et de son expérience dans le domaine de la formation.

 

Comment a débuté ton parcours de monteur ?

Damien Labbé : 

J’ai un parcours un peu atypique. J’ai su dès mes 7 ans que je voulais faire de l’audiovisuel, mais je ne savais pas exactement quel métier je voulais exercer : est-ce que je voulais faire de la lumière, de l’image…

J’ai fait l’ESRA après un Bac L Cinéma-Audiovisuel ; lors de la 3e année il faut choisir une spécialisation et je me suis orienté vers la section production : un directeur de production doit comprendre en quoi consiste chaque métier pour faire un devis. Pour moi qui ne savais pas encore exactement ce que je voulais faire, cela me permettait de continuer à toucher à tout, de connaître tous les corps de métiers, de conserver une vision globale.

 

Tu as donc fait tes premiers stages et tes premiers emplois en production ?

Damien Labbé : Absolument. J’ai commencé en 2002 à Canal+ puis dans la société de production de Marc-Olivier Fogiel (PAF). Autant je comprenais en quoi consistaient les métiers du plateau car c’est assez visuel, autant en post-production je ne voyais finalement que des gens derrière des ordinateurs : j’avais l’impression que les monteurs, les mixeurs… parlaient une troisième langue vivante, un vocabulaire que je ne comprenais pas.

Je me suis donc formé au montage pour mieux appréhender les enjeux de la post-prod, mais dans le but de devenir un meilleur chargé de production : pas dans l’optique de devenir monteur.

J’ai fait une formation de 3 semaines sur Avid Media Composer.

Et ça a été comme un coup de foudre professionnel : pour moi, c’était finalement là que tout se passait, que se concrétisent les histoires.

C’est certes moins impressionnant qu’un plateau de cinéma, mais le cœur du réacteur est là.

Je me suis immédiatement orienté dans cette direction, en faisant part de mon désir d’évolution à la société de production avec laquelle je travaillais jusque-là.

 

Tu as donc appris le montage directement en le pratiquant ? 

Damien Labbé : Oui, et comme j’avais le sentiment de manquer de légitimité j’ai commencé par lire le mode d’emploi d’Avid en anglais, en entier.

Cela m’a finalement permis de très bien connaitre le logiciel, à tel point que je le connaissais presque mieux que des gens qui le pratiquaient depuis longtemps.

Chaque fois que j’arrivais dans une nouvelle production, j’avais à cœur d’expliquer tel outil, telle technique ou astuce à des assistants ou stagiaires ou même à des collègues qui pouvaient rencontrer des difficultés. J’aimais déjà partager.

 

Sur quels types de productions travaillais-tu en tant que chef-monteur ?

Damien Labbé : Au début sur des émissions de flux, des reportages pour les émissions de Canal +, « +Clair » et « l’Hebdo Ciné » pour ceux qui s’en souviennent.

D’abord des projets simples puis des projets de plus en plus complexes.

Lorsque PAF, l’unique société pour laquelle je travaillais a fermé, j’ai d’abord eu peur de me retrouver sans aucun travail… et ce que je ne pouvais pas prévoir, c’est que les journalistes et chargés de productions avec qui j’avais travaillé sont parti dans de multiples autres boîtes de prod et m’ont rappelé : finalement j’ai rapidement intégré une dizaine de sociétés de production.

Au départ, je faisais du 6-9 minutes et je suis passé au documentaire de 52 puis de 90 minutes, et à la télé réalité.

 

Qu’as-tu appris en diversifiant ton activité de monteur ?

Damien Labbé : La télé-réalité est une extraordinaire école pour un monteur.

En travaillant par exemple pour la quotidienne de la Star Academy, j’étais le seul monteur pour faire l’émission de 45 minutes qui allait être diffusée le lendemain.

A partir de 24h de rushes je devais raconter une histoire avec des enjeux, de manière très autonome. Le rythme de travail était effréné.

Je me suis retrouvé à faire le grand écart, à alterner en une dizaine de jours un documentaire, de la télé réalité et le montage d’une captation de spectacle vivant, et aujourd’hui de la fiction et même depuis tout récemment de la direction de post-production.

Tout cela s’est fait sans que je le fasse exprès, par une suite de rencontres.

 

 

Aujourd’hui tu conseillerais à un monteur qui débute de rester ouvert à tous les genres audiovisuels ? 

Damien Labbé : Oui car les techniques que l’on développe sur de la télé-réalité vont pouvoir nous servir sur du documentaire de création, et les codes qu’on apprendra à maîtriser en documentaire vont pouvoir nous servir sur de la fiction, etc. Toute ma carrière prouve qu’on peut alterner des genres audiovisuels différents et que tous ces genres se nourrissent : notre métier c’est celui de monteur et à chaque fois il s’agit pour moi de raconter une histoire et de trouver le juste rythme à partir de la matière brute que sont les rushes.

 

Comment en es-tu arrivé à faire de la formation ?

Damien Labbé : En travaillant chez Elephant qui produit « 7 à 8 », chez qui j’ai été le chef monteur principal des assemblages, je mettais en place les process. J’apprenais des méthodes aux assistants, je leur disais « si tu fais comme ça, on ira plus vite, c’est plus simple, tu connais tel outil ? ».

Les assistants qui sortaient d’école étaient très contents d’avoir quelqu’un de plus sénior qui ne gardait pas jalousement ses secrets. Le mieux est d’apprendre avec quelqu’un dont c’est le métier. J’aimais transmettre, partager.

À part à la limite en fiction, rien n’est vraiment organisé dans notre métier pour la transmission du savoir : on n’a pas réellement un chef ou un référent qui nous apprend les choses ; dans le flux, le documentaire et le reportage, chef monteur et assistant monteur sont deux métiers très différents.

La formation professionnelle est l’occasion d’aller parfaire ses connaissances.

Il y a une phrase de Socrate que j’aime citer : « Le savoir est la seule matière qui s’accroit quand on la partage ».

 

Comment a débuté ton activité de formateur à proprement parler ?

Damien Labbé : J’ai eu envie de transmettre mes connaissances au-delà des sociétés de production : je me suis rendu compte que finalement je ne suis pas le seul à avoir une formation un peu empirique du montage.

Même ceux qui ont fait un BTS, des formations longues, ont souvent découvert le montage un peu sur le tas, au fil des rencontres et des échanges entre monteurs. C’est bien d’y ajouter un peu de méthode et certaines bases.

Il se trouve que j’ai suivi en tant que stagiaire une formation caméra aux lapins bleus. Cela faisait 7-8 ans que j’étais monteur, et il y avait des problèmes de tournage qu’on m’expliquait et que j’avais du mal à comprendre : quand on me parlait de shutter, de diaph, je ne comprenais pas exactement ce que cela signifiait. Je souhaitais comprendre les problématiques techniques de tournage qui se répercutent en montage.

Et c’est comme ça que j’ai rencontré Jean-Marie Billard-Madrières, le fondateur des lapins bleus, et que j’ai commencé à dispenser des formations de montage aux lapins bleus.

 

Quelles expériences de formations as-tu eu aux lapins bleus au fil des années ?

Damien Labbé : Aux lapins, j’ai eu la chance de pouvoir m’investir dans pas mal de projets. Ma spécialité a toujours été Avid Media Composer. J’ai commencé sur les formations catalogues, les formations d’initiation, puis la formation Media Composer et After Effects.

Ensuite, avec Sébastien Mourry qui dirige aujourd’hui le centre de formation, on a mis en place la formation « Gagnez en rapidité et en efficacité sur Media Composer » qui transmet en quelque sorte la matière glanée dans les What’s New depuis 15 ans : les bons raccourcis, les fonctions méconnues…

Quand je fais cette formation-là, c’est comme quand je donne un conseil à un collègue monteur : j’ai l’impression de passer une semaine à donner des astuces qui feront gagner du temps.

Il y a aussi eu des projets de formation sur-mesure, comme pour la chaine LCP, où nous avons formé tous les salariés à Media Composer. Ils n’avaient jamais appuyé sur un bouton du logiciel et il fallait qu’ils soient en mesure, en quelques jours, de monter un sujet news en étant autonomes. C’était un défi.

 

Comment vois-tu les usages évoluer dans ton métier, en particulier ces dernières années ?

Damien Labbé : La vraie révolution numérique qui a changé notre métier, elle est arrivée dans les années 90 avec l’arrivée d’Avid.

Depuis, la technologie a sans cesse évolué bien sûr : quand j’ai commencé on derushait sur cassettes, et on ne digitalisait que les petits bouts de bandes qui nous intéressaient pour économiser l’espace disque.

Aujourd’hui, on travaille avec tous ses médias, directement accessibles sur Media Composer. Même pour la musique ou le rendu des effets, les exports… c’est beaucoup plus fluide : tout va plus vite, tout est plus simple.

Il y a constamment des évolutions techniques, logicielles, des mises à jour dont on se fait l’écho aux lapins.

Dans les process de travail, ce qui a beaucoup changé c’est le travail collaboratif que permettent les technologies AVID, et notamment leurs serveurs :

20 monteurs peuvent travailler en même temps sur la même série, ou 5 ou 6 personnes sur le même épisode, avec les mêmes rushes, sans latence.

C’est quelque chose qui s’est beaucoup développé également avec l’avènement de la téléréalité, et qu’on fait beaucoup en actu, en divertissement, et même maintenant en fiction : les délais se resserrent entre le tournage et les calendriers de diffusion. Donc on a parfois deux ou trois monteurs et leurs assistants qui vont se partager un épisode.

Le monteur n’est plus forcément seul, mais parfois dans une équipe de monteurs.

Je pense que la prochaine révolution est l’IA, qui va évidemment changer beaucoup de choses. Jusqu’où ça va nous permettre de faire mieux que ce qu’on fait actuellement ? On ne le mesure pas encore.

 

Quelle place occupe aujourd’hui ton activité de formateur dans ton rapport à ton métier de monteur ?

Damien Labbé : Cela cultive le plaisir de la transmission que j’ai toujours aimé avoir en post-prod. Notre métier ne s’y prête pas forcément au départ : on fait quand même un métier solitaire.

Sur une équipe de tournage fiction il y a dans chaque équipe un chef, un premier, un deuxième, un troisième assistant, un stagiaire… la transmission se fait de manière plus naturelle alors que sur une équipe de post-production, on est traditionnellement seul face à l’ordinateur.

C’est en ça que j’aime bien la formation, et ce qu’on fait aux lapins bleus. C’est l’occasion de palier cet état de fait. C’est quelque chose de très important, on rencontre des monteurs qui travaillent sur plein de projets différents et l’enrichissement se fait dans les deux sens. Ce n’est pas à sens unique. C’est aussi ce qui crée la dynamique de la formation.