Entretien avec Kévin Pusceddu, formateur référent dans le domaine du tournage pour notre organisme, autour de son parcours professionnel, des différentes fonctions qu’il a assurées et de son expérience en tant que formateur.
Comment a débuté ton parcours professionnel ?
Kévin Pusceddu : Après avoir obtenu un BTS audiovisuel en option image, j’ai effectué une année en licence Arts du spectacle à Lyon accompagnée d’un stage en alternance de 6 mois à Panavision Rhône Alpes.
Ce stage m’a permis de me familiariser avec le matériel caméra mais également de rencontrer plusieurs assistants caméra qui venaient effectuer leurs essais du matériel.
Grâce à ces rencontres, j’ai pu effectuer plusieurs stages sur des téléfilms à la fin de mes études. Comme il n’y avait pas de troisième assistant caméra à l’époque à France 3 Rhône-Alpes, mon stage consistait à assurer cette fonction en m’occupant de la vidéo pour ces tournages.
L’un des chefs opérateurs de ces téléfilms auxquels j’ai participé, William Watterlot, m’a recommandé de faire également un stage à Panavision Alga à Paris.
J’ai suivi son conseil. Durant ce stage, j’ai découvert de nombreux aspects dans la location qui m’ont séduit comme un accès énorme au matériel et aux nouveautés de l’industrie cinématographique, un lieu propice aux rencontres et aux échanges, et l’occasion de réellement participer à la préparation des tournages en aidant les équipes. A l’issue de ce stage, j’ai été embauché à Panavision en tant que magasinier.
En quoi a consisté ton travail chez Panavision & RVZ pendant 5 ans ?
A Panavision, j’ai travaillé la première année en tant que magasinier au service retour avant d’évoluer vers du contrôle technique. Cela consistait lors des retours à tester le matériel vidéo et caméra, et à le réparer si besoin.
A Panavision, j’ai découvert un parc matériel assez impressionnant. Pour un jeune curieux comme moi, j’étais un peu comme un enfant dans un magasin de jouets, désireux de tout tester et de tout comprendre.
Puis en 2016, j’ai été embauché à RVZ en tant que responsable des retours au sein du département Caméra. Ce travail a été très stimulant car cela m’a permis de développer mes qualités dans l’organisation et la gestion d’un service. J’ai à nouveau rencontré une nouvelle équipe géniale et les deux années à RVZ ont vraiment été très enrichissantes.
Comment as-tu évolué vers le métier d’assistant caméra ?
Mon expérience en assistant caméra s’est donc faite en deux temps. La période lyonnaise entre 2012 et 2014 durant laquelle j’ai travaillé en 1er assistant caméra sur des petits projets puis en troisième assistant caméra sur des téléfilms. La seconde période correspond à la fin de mes années location en 2018 jusqu’à aujourd’hui. Je suis depuis quelques années second assistant caméra et j’ai eu la chance de participer à ce poste à tout type de projet : long-métrages, séries, publicité, clips ou encore défilés.
En quoi cela consiste-t-il ?
Le métier d’assistant caméra se divise en différents degrés et notre fonction varie beaucoup selon les projets et la composition de l’équipe dédiée à l’image.
Généralement, nous commençons stagiaire caméra où notre fonction est d’assister le troisième assistant dans la gestion et l’installation du monitoring (Combo, écrans portatifs, système RF, Stream…).
Dans une équipe image, le troisième assistant caméra est en charge de la vidéo. C’est une tâche très dense dont la responsabilité et l’exigence technique ne cessent de croître.
Du côté du second assistant caméra, la liste de ses fonctions est assez variée et évolue beaucoup selon le projet et sa relation avec son premier assistant caméra. Ensemble ils doivent assurer la gestion du matériel caméra et les changements de configuration à chaque plan.
Le premier assistant caméra est le responsable de l’équipe caméra. Il doit assurer une fonction parfois très difficile qui a une réelle influence dans l’image, c’est à dire la mise au point. Il faut faire preuve de rythme, concentration, technique, méthode et expérience pour assurer cette fonction. Pour cela, il se fait assister par son second assistant.
Comment en es-tu arrivé à dispenser de la formation ? Dans quel cadre ? Auprès de quels publics ?
Lorsque je travaillais à RVZ, j’avais dans mon service environ deux stagiaires par mois en plus dans mon équipe. Je me suis vite aperçu que j’adorais prendre du temps avec eux pour leur faire des petits cours. On m’a dit un jour « on a compris un principe que lorsqu’on est capable de l’expliquer clairement à une autre personne », je pense que c’est vrai.
J’ai compris petit à petit que la formation consistait à apprendre à écouter l’autre, comprendre ce qu’il recherche, comprendre comment il raisonne, faire preuve de bienveillance, d’empathie et de psychologie, pour adapter sa méthode pédagogique afin de lui donner ce qu’il souhaite comprendre et acquérir.
En 2018, j’avais besoin d’un nouveau projet stimulant. Les tournages me manquaient et je souhaitais également travailler en parallèle dans la formation autant dans des organismes de formation professionnelle comme les lapins bleus que pour des BTS audiovisuel ou des écoles de cinéma.
C’est à ce moment-là que tu as quitté le monde du salariat pour rejoindre celui de l’intermittence ?
Absolument. Un des avantages de l’intermittence est qu’on peut varier les plaisirs. C’était donc parfait pour allier tournages et formations.
J’ai recontacté cette année-là le BTS audiovisuel de Villefontaine, celui où j’avais fait mes études. Je leur ai proposé de faire quelques interventions dans l’année. C’était important pour moi de commencer à Villefontaine car j’y avais de magnifiques souvenirs, et l’équipe pédagogique est autant bienveillante qu’investie. Elle m’a beaucoup apporté quand j’y étais étudiant.
Six ans plus tard après mes débuts en tant qu’intervenant, j’ai pu y côtoyer six promotions. J’y prends beaucoup de plaisir, les élèves ont entre 18 et 20 ans, ils sont motivés, passionnés et travailleurs. Ils ont parfois peur de l’entrée dans le monde du travail. Mon but est de les rassurer et de réfléchir ensemble sur la suite avec les stages qu’ils peuvent chercher ou par des TP découvertes visant à leur présenter les différents postes qu’on peut retrouver sur un tournage.
Depuis 2018, j’ai eu l’occasion de faire des interventions pour les écoles de cinéma « L’ARFIS » à Lyon (devenue ESEC), l’ENS Louis Lumière à Paris ou de faire jury pour les films de fin d’année des élèves de l’école Cinécréatis à Lyon.
Enfin, depuis bientôt six ans, j’ai fait la rencontre des « Lapins bleus » avec qui j’ai pu dispenser plusieurs formations ainsi que des programmes sur mesure pour des clients tels que M6, Garage Production, la CPAM ou encore la Fémis.
Comment as-tu commencé à évoluer vers le métier de Data Manager / DIT ?
Aujourd’hui, mon souhait est en effet d’évoluer vers le métier de DIT. Depuis plusieurs années, j’ai souvent assuré la fonction de data manager, une fonction proche du métier de DIT et j’ai envie de faire évoluer mes compétences dans cette direction. Je commence donc depuis peu à assurer ce nouveau poste de DIT. Je trouve que c’est une parfaite continuité de mes activités passées, à la fois celle de loueur, d’assistant caméra, de data manager ou de formateur.
Par l’intermédiaire de l’AFDAS et des lapins bleus, j’ai amorcé ce virage en 2020 grâce à la « Formation au métier d’étalonneur » puis en 2023 avec la formation au « métier de DIT On set », que j’ai suivies en tant que stagiaire.
Aux lapins bleus, tu as également participé en tant que formateur à la formation « Technique des caméras à grands capteurs », créée avec Matthieu Straub ? Comment as-tu fait évoluer cette formation ?
J’ai eu le plaisir de rencontrer Matthieu Straub quand je travaillais à RVZ (Be4Post et RVZ partageant les mêmes locaux) et c’est grâce à lui que j’ai pu entendre parler des lapins bleus pour la première fois.
Mais c’est par l’intermédiaire de Léonard Rollin que j’ai pu rencontrer les lapins bleus. Léonard m’avait parlé de ce projet qui avait été initié par Sébastien Mourry, responsable des lapins bleus, en collaboration avec Matthieu. Le projet était de concevoir une formation sur les caméras à grand capteurs. Je venais tout juste de quitter RVZ et c’était exactement ce type de formation que je souhaitais mettre en place. De plus, la formation était en partenariat avec RVZ qui en plus de fournir le matériel, mettait à disposition son studio pour que les stagiaires puissent pratiquer.
Ainsi durant les mois qui ont suivi, avec Sébastien Mourry, on a développé la trame écrite par Matthieu et Léonard pour offrir une formation bien dosée entre la théorie et la pratique avec tout type d’exercice sur le matériel caméra.
Cette formation a aujourd’hui 5 ans et les stagiaires rencontrés depuis ses débuts ont des profils très variés. On a eu des directeurs de la photographie, des assistants caméra, des photographes, des réalisateurs de documentaire, des réalisateurs de films institutionnels et des salariés en post-production.
Est-ce que cette activité de formateur a enrichi ton rapport à ton métier ?
Je pense que mon activité en tournage apporte à la formation et réciproquement. Je trouve que la formation est une démarche d’humilité autant pour les stagiaires que pour le formateur. On a toujours des choses à apprendre et on en aura toujours. La formation est un temps de réflexion suite à nos expériences de tournages, un temps d’analyse qui nous fait progresser.
Auprès des stagiaires, partages-tu davantage une méthodologie générale, un savoir théorique ou des cas particuliers rencontrés sur les tournages ?
C’est un peu un mélange de tout cela. Disons que le point de départ est d’écouter et de comprendre ce qu’attend le stagiaire, cerner sa personnalité et comment il fonctionne et j’essaie ensuite de composer en fonction de cela. Ce qui ne change jamais, c’est le but, c’est à dire qu’il soit content de sa formation à la fin et qu’il ait obtenu ce qu’il souhaitait obtenir.
Pour atteindre cet objectif, je vais parfois devoir faire un croquis, parfois proposer un retour d’expérience précis ou parfois mettre en place un exercice pratique. Quelques fois, il est plus judicieux de privilégier les échanges en groupe et d’autres fois je préfère revenir seul sur un point avec le stagiaire pendant que les autres effectuent un exercice pratique.
Ce qui est important est de créer un cadre sain où le stagiaire se sent écouté et surtout pas jugé, ni par moi ni par les autres stagiaires. Il n’y pas de questions bêtes.
J’ai eu l’occasion de dispenser des formations à des personnes de tout âge. Il est parfois très enrichissant d’adapter sa méthode d’enseignement et également d’avoir le plaisir, lorsque l’on forme des jeunes étudiants, d’assister à la découverte de passions ou de vocations.